•  

    Le courlis sauva Saint Gildas de la noyade un jour qu'il se promenait sur l'île Maodez en Trégor. Le temps était très chaud et le soleil ardent. Gildas s'allongea sur la grève et s'endormit. La mer commença à monter mais le saint, ne se doutant de rien, continua à se reposer. Quelques minutes encore, et le flot allait l'atteindre. Perché sur un rocher, un courlis faisait le guet. Il battit des ailes contre le visage du dormeur en criant: "Fulup, fulup, dihun, mar kerez: arri eo ar mor warnaout!" ( Philippe, Philippe -le nom que le courlis donne aux hommes- réveille-toi, si tu veux: la mer arrive sur toi!"

     

    Le saint reconnaissant demanda à l'oiseau ce qu'il pouvait lui offrir en signe de gratitude. Le courlis souhaita que son nid soit introuvable. On dit que depuis personne n'a jamais pu mettre la main sur un de ses œufs...

     

    Légende de Saint-Gildas sauvé par un courlis

    Courlis corlieu.


    votre commentaire

  • votre commentaire
  • L’Arcadie, centre culturel municipal de Ploudalmézeau, offre du 31 mars au 31 mai 2016 une mise en scène d’œuvres de Loïc Madec, intitulée : Un si moderne taolennou (du Breton taolenn : un tableau ; pluriel : taolennou), l’artiste s’inspirant des célèbres tableaux de mission créés en Bretagne au 16ème siècle, dans la cadre de la réforme de l’église catholique (dite aussi contre-réforme), destinée à reprendre en main les fidèles tentés par le protestantisme.

     Il s’agit donc d’une reconquête spirituelle qui s’appuie sur une culture de l’image plus accessible pour des fidèles souvent analphabètes. De la même époque date l’essor de nombreux vitraux, retables, images pieuses, statues et calvaires en tous genres. Ces taolennou, dans le cadre de l’évangélisation et de l’enseignement de la religion, représentaient souvent les 7 péchés capitaux.

     Le premier à utiliser ces images fut un jésuite de Vannes, Vincent Huby : 4 représentaient les fins dernières : mort du pécheur/enfer ; mort du juste/paradis ; et 8 représentaient des cœurs allégoriques.

     Un célèbre créateur de taolennou fut Michel le Nobletz né en 1577 à Plouguerneau ; ses taolennou, proches de la B.D., représentent souvent des « cartes » avec des chemins à suivre vers le paradis ou l’enfer… comme le feront les célèbres Cartes du Tendre de Madeleine de Scudéry, décrivant les différentes étapes de la vie amoureuse selon les Précieuses. Un des derniers inventeurs de taolennou fut Xavier de Langlais (dans la période de 1936 à 1945). Réalisés sur parchemin, sur peau de mouton, sur bois, les taolennou, réalistes et naïfs, sont de précieux documents sur les sociétés locales.

    Entrons donc dans l’exposition. Mais par où d’ailleurs ? Il y a deux entrées dans la rue de l’Arcadie. Quelle que soit l’entrée que nous empruntons, la taille des « bannières » nous interpelle. Les tableaux se présentent en effet comme des bannières de procession, montées sur hampes, un peu trop haut à notre avis, nous obligeant à lever la tête dans une posture inconfortable –est-ce l’antichambre du paradis, le purgatoire par lequel il faut passer, l’obligation de la souffrance avant la rédemption future ?

    Les bannières ne sont pas dans l’ordre d’une procession, mais disposées en trois groupes : deux groupes de trois forment un triangle fermé, un groupe de deux forme un triangle ouvert : rappel de la Trinité ? Cette disposition correspond à la volonté de l’artiste et du directeur de l’Arcadie.

    L’ensemble nous apparaît très divers et très riche en formes, couleurs, symboles. Il faut une attention soutenue pour découvrir dans ces images complexes des détails souvent surprenants.

     L’artiste entrelace :

     - les règnes :

     - minéral : ardoises de toitures

     - végétal : fleurs nombreuses, algues

     - animal : animaux sauvages et animaux domestiques : lion, rhinocéros, singe (un capucin) cheval, cochon (dont un bleu), grenouille, poissons (le symbole du Christ), faisan, sanglier aux pattes attachées (clin d’œil à Obélix ?), les serpents (la Tentation et le mal)…

     - Quant aux humains, on les trouve un peu dispersés au milieu de tout ça : jeunes ou vieux, paysans ou militaires, riches ou pauvres…

     - les saisons : le printemps représenté par les poussins…

     - les époques : Préhistoire (chevaux de Lascaux), Moyen Âge (châteaux, gargouilles…), époque moderne (Napoléon III qui est venu à Brest)

     - les pays : la France, la Grèce avec son alphabet, l’Inde…

     - les cultures, particulièrement la culture bretonne reconnaissable à la bigoudène, aux couleurs et motifs qui rappellent la faïence Henriot ; le cheval sans tête qui rappelle le roi Marc de Cornouailles et la légende de Tristan et Iseut, la « faute » aussi, le péché de luxure, un des 7 péchés capitaux

     - les styles : figuratif et abstrait

     - les symboles : alphabet grec, signes du zodiaque, croix, poisson

     - les appartenances sociales : paysans avec charrette, remorque de foin…, militaires, monde industriel, monde de la culture avec une loge de théâtre

     - le profane et le sacré : la vie quotidienne, le monde de la religion avec les croix, la vache sacrée.

    Ces mélanges et ces entrelacs nous rappellent les faïences bretonnes, les images d’Epinal, voire la surcharge des taolennou avec leurs chemins ; mais aussi le labyrinthe où l’on se perd plus souvent qu’on ne se retrouve, et qui ressemble plus aux méandres de l’Enfer gréco-romain qu’au chemin tapissé de roses qui conduirait au Paradis. Le dernier taolenn, le plus abstrait, celui qui a servi d’affiche, le seul à être présenté incliné comme une vraie bannière, se présentant comme ces jeux de géométrie où l’on doit suivre un fil d’Ariane pour arriver au centre, au but, au trésor…

     Un taolenn est à part, un tableau horizontal et encadré celui-là, à l’écart des autres. Très sombre, très chargé, d’aspect chaotique, il évoque la société de consommation, voire  l’apocalypse ; en tout cas le monde industriel et technologique écrasant de Fernand Léger ou des Temps Modernes de Chaplin. Il contraste avec la simplicité de la bannière plus « vide » que les autres, celle où l’on peut reconnaître peut-être la verticalité de deux humains, les premiers : Adam et Eve ?

    On peut distinguer aussi une distribution selon les couleurs plus ou moins en relation avec les éléments : rouge/feu – le taolenn abstrait, vert bleu/eau (algues, poissons..), bleu/air (oiseaux, papillon et libellule), jaune marron/terre (biche, cerfs, animaux des bois).

    Les anciens taolennou représentaient des sortes de cartes, un chemin conduisant de la terre au paradis ou à l’enfer selon la vie que l’on avait menée. Ils étaient destinés à l’éducation des foules. Reconnaît-on dans les taolennou de Loïc Madec une telle intention ?

    Par le nombre de références à la culture bretonne : bigoudène, costumes, couleurs, cheval, importance de la religion, Loïc Madec s’inscrit bien dans une tradition. Le titre même de l’installation le signifie.

    Certains peuvent être un peu désarçonnés par cette exposition, ne reconnaissant pas grand-chose de la fonction des taolennou, visant à informer les foules ignares de ce qui les attendait si elles enfreignaient les dogmes. Donc ça ne fonctionne pas a priori. Sauf si l’on se met à décortiquer les images et les détails comme nous avons tenté de le faire.

    Images apaisantes selon les unes, embrouillées selon les autres… en tout cas il y a plusieurs jeux de pistes à faire ou à suivre. N’est-ce pas le but recherché par l’artiste ?

    Au sortir de cette installation originale et étonnante, s’est-on perdu en Enfer, a-t-on gagné son Paradis ? On est plus probablement demeuré dans les Limbes, ce « pays » incertain entre nature et humanité, nature et culture, tradition et modernité, mort et vie, où chacun cherche sa voie…

     

    Muriel.

     

     

     

     


    votre commentaire
  • Un des derniers romans que j'ai lus. Et je le recommande. Un couple qui vit sur une minuscule île australienne. Lui est le gardien du phare. Ils s'aiment . Cette vie de solitude à deux et de devoir leur plaît. Mais elle ne peut avoir d'enfant. Alors, le jour où une barque s'échoue avec à l'intérieur un homme mort et un bébé bien vivant, ils vont transgresser toutes les règles, toutes les lois, et décider de garder l'enfant...Et leur existence bascule.

    Remarquablement écrit, dense et fort, des personnages originaux, et surtout la voix unique de l'homme, droit dans ses bottes, digne jusqu'au bout dans les pires situations...dans un paysage sauvage et inflexible, à leur mesure, à moins que ce ne soit l'inverse...

    Et l'on attend le dénouement qui ménage malgré tout l'espérance.


    votre commentaire
  • La sage-femme de Venise

     

    Comme souvent, quand je me déplace en train, et que je trouve un bon roman (d’ailleurs je les ai la plupart du temps trouvés dans les gares !), je le lis très vite, et ne vois pas le temps passer. Je ne m’arrête que lorsque je sens la nausée qui monte (je suis vite malade dans les transports).

    La couverture me plaisait, le lieu (ah Venise !) et la thématique : la première femme à avoir inventé « les cuillers d’accouchement ». Et une juive en plus ! Sur fond de racisme, de peste, d’inégalités sociales et sexuelles, une jeune femme aide tous ceux et celles qui l’appellent pour tenter de sauver, parfois in extremis, mère et enfant de la mort soudaine et si cruelle puisqu’elle survient en même temps que la vie.

    Femme amoureuse et comblée, elle risque gros en prenant de tels risques, mais n’arrive pas à refuser. Et quand un grand seigneur en pleine nuit vient la mander, elle accepte ; mais à une condition, à un prix (exorbitant) : elle veut de quoi payer la rançon de son mari prisonnier au-delà des mers…

     

    L’histoire se terminera bien, malgré la haine, les intrigues, la peste…

    J’ai beaucoup aimé le style, le rythme, le personnage de femme. Et mesuré une fois de plus ce que miracle veut dire à chaque  naissance.

    Nous avons un peu oublié cela ; comme nous avons un peu oublié les anathèmes portés aux femmes, de tout acabit : sexuels, religieux, moraux…

     

    Notre sage-femme arrive à dépasser tout cela et à rester elle-même.

    De quoi aussi faire réfléchir sur notre soi-disant modernité…

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique