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    Vous savez bien entendu compter jusqu’à quatre-vingts et vous connaissez peut-être l’Hôpital des Quinze-Vingts à Paris, près de la Bastille, spécialisé dans l’ophtalmologie.

     

    Ces deux exemples sont le reste du comptage en base vicésimale, qui eut cours en Gaule, chez les Celtes, les Mayas, les Basques et autres…et dont nous gardons une mémoire parcellaire.

     

    L’Hôpital des Quinze-Vingts fut fondé par Saint-Louis pour 300 de ses soldats faits prisonniers pendant les Croisades et revenus aveugles. Et on raconte qu’au 18ème siècle il y eut des brouillards si intenses à Paris qu’on loua les aveugles des Quinze-Vingts à l’heure pour diriger les bons Parisiens dans leurs déplacements !

     

     

     

    Pourquoi comptons-nous en base 10 ? Parce que nous avons dix doigts, tout simplement !

     

    Et ceux qui ont compté en base 20 ? Parce que nous avons dix doigts et dix orteils tout simplement !

     

    Alors pourquoi cet abandon de la base 20 ? Parce que nos mains ont supplanté nos pieds dans l’« évolution » de nos sociétés ? Parce que nous ne marchons plus pieds nus comme l’ont fait tant de peuples pendant si longtemps ? Parce que nous marchons beaucoup moins… ou du moins par journellement… Qui prend soin de ses pieds ? De ses orteils ? Pourtant la réflexologie plantaire est à la mode et si vous l’avez pratiquée vous savez certainement à quel point elle nous fait du bien ! Et à part ceux qui détestent le sable, combien de fois nous avons apprécié de marcher dans le sable chaud avant ou après la baignade ! Les pieds redeviennent sains et beaux, nus et au soleil !

     

     

     

    Nous sommes souvent aveugles aux changements de société et allons chercher bien loin les signes et manifestations de changements majeurs.

     

    Comptez en base 20, et vous réaliserez que votre vision du monde a changé, peu ou énormément, selon votre sensibilité. Vous aurez de toute façon pratiqué une bonne gymnastique mentale ! Et vous aurez réveillé et activé les circuits d’énergie qui sommeillent dans vos orteils. Et si jamais on vous traitait de « casse pieds » avec votre base 20 vous ouvrirez un large sourire en pensant c’est celui qui le dit qui l’est ; et vous penserez sans le dire bien sûr : j’aime mieux courir, sauter, m’amuser comme les singes à quatre mains (ou à quatre pieds)… et de mes dix doigts je vous fais quatre-vingts pieds de nez !


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  • Vaches

    Les vaches c’est d’abord pour moi Carmen, La Bohème, et la Tosca. Quel rapport allez-vous dire ? Et bien maman, qui s’occupait des vaches comme toute petite paysanne, qui devait les garder pendant des heures dans les prés- et c’était tellement ennuyeux que parfois on se laissait distraire…si bien que lesdites vaches s’échappaient et qu’on avait le droit  aux remontrances salées en rentrant à la ferme ; maman donc devait aussi traire les vaches ; et elle m’a raconté que pour faire passer le temps, rendre les vaches de bonne humeur, et donner du bon lait, elle chantait des airs d’opéra qu’elle adorait !

     

     

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    Où donc la petite bretonne avait-elle entendu de l’opéra ? Au bal du village ? Bizarre. Toujours est-il qu’elle me les a souvent chantés, ces airs d’opéra, et les vaches sont donc reliées à mes émotions lyriques préférées.

     

    J’ai eu peur des vaches plus d’une fois. Car maman m’avait dit : les chevaux sont intelligents ; si tu traverses un pré en leur parlant doucement, ils ne broncheront pas. Par contre les vaches sont très bêtes : si tu leur parles, elles prendront peur et te fonceront dessus ; alors attention ! Et ça m’est arrivé, les vaches qui foncent !  Oh la vache !

    Alors quand on parle des vaches qui regardent les trains passer en mâchouillant tranquillement une marguerite, ça me fait bien rigoler ! Surtout quand il pleut comme vache qui pisse !

     

    Il y a pourtant un petit garçon qui m’a réconciliée avec les vaches,  grâce au petit album d’Olivier Douzou, qui raconte comment sa jolie Mache Jojo, connue depuis la nuit des temps, vit progressivement disparaître ses cornes d’abord, puis sa queue, puis ses gamelles, puis ses taches…jusqu’à disparaître totalement du paysage.

     

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    Mais la nuit quand le ciel est clair, ou le matin à l’aube, Jojo réapparaît.

    Allez lire ce petit album des éditions du Rouergue et, comme moi, vous n’aurez plus peur des vaches. Et peut-être entendrez-vous Pavarotti chanter dans la mansarde de Mimi sous les toits : Je suis poète, telle est ma tâche, j’écris telle est ma vie…

     

    Après la musique de la traite des vaches, mon propos serait incomplet, si j’oubliais une autre découverte qui m’a bien fait rire : le tableau La Vache de Théo Van Doesburg (qui travailla avec Mondrian).

     

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     Le titre La Vache, selon un critique, veut indiquer que l’on peut y trouver, implicitement exprimée, la décomposition de la figure de l’animal en rectangles.

    On est donc en plein cubisme ? Et pas si loin finalement de la Jojo d’Olivier Douzou.

    Qu’ont-ils donc tous à vouloir découper la vache en morceaux ? A la réduire à des carrés, des rectangles, un demi-cercle, voire un arc-de-cercle, à de simples traits ? Il faut croire qu’elles s’y prêtent à la découpe, à la caricature ? A moins que ce ne soit à la poésie ?

     

    Car dans le pré, sous les étoiles, sur l’herbe verte et tendre du printemps, ou par le talent du conteur, ah la vache, qu’est-ce qu’on est bien !

     


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  • avant de déposer la totalité de mon mémoire sur le blog, je propose ce résumé pour donner envie de lire la suite!

     

     

    Résumé de mon mémoire intitulé :

    L’Art à Wallis et Futuna : une histoire en train de naître ? (soutenu à Bordeaux3 le 28 juin)

    J’avais promis en 1997 à mon ami le peintre Soane Takaniua d’écrire un mémoire sur son œuvre. D’où ma formation en Histoire de l’Art, et ma formation en Anthropologie  pour ne pas avoir un point de vue occidentalo centré.

    Premier rejet de mon objet : « il n’y a pas d’art à Wallis et Futuna » ; sinon de l’artisanat ; l’art au sens occidental du terme n’ayant aucun sens, aucun intérêt.

    Or comme le rappelle Ludovic Cupaye : objet d’art ou objet ethno la différence n’est à la rigueur que d’institution. Et il y avait bien des productions artistiques à Wallis et Futuna !

    Deuxième rejet sur place : au service d’action culturelle, à ma question : quels sont les artistes actuels du Territoire ? « Il n’y en a pas ».

    Ma démarche qui se voulait donc au départ linéaire : partir d’avant les missionnaires pour arriver aux artistes contemporains, a changé alors et est devenue polémique :

         -  il y a bien un art à Wallis et Futuna

    Que voulait dire ce rejet ? Ethnocentrisme caractérisé mais aussi acte politique : refus du modernisme et crispation sur les valeurs anciennes.

    En fait c’est plus complexe que cela : chez une artiste comme Rébecca Hoatau l’art contemporain devient aussi le moyen, le médium permettant de dynamiser les valeurs anciennes contraintes par les missionnaires à se cacher derrière ce que mon amie Nadia professeur de wallisien a appelé : « le bouclier de protection ». Même problématique en Nouvelle Calédonie.

    il y a bien des artistes au sens occidental du terme. Conscients du changement radical de leur histoire ; revendiquant l’accès à l’individualité ; l’accès à la reconnaissance étant accès à l’existence. Idem en Nouvelle Calédonie : l’art est bien une manière nouvelle de dire le monde donc de l’inventer et de s’inventer soi-même.

     

    Ceci étant j’ai voulu entrer dans la pensée des Wallisiens, les rencontrer, avoir accès à la langue aussi, où effectivement le mot art n’existe pas.

    J’ai échangé avec Paola et Nadia et appris l’importance de la relation et l’importance du regard à Wallis, regard qu’on porte sur les autres, regard porté sur soi ; l’inscription sociale de l’individu étant essentielle ; c’est bien entendu le cas de l’artisan, de celui qui manifeste son « faiva » son talent, son savoir-faire.

    J’ai appris auprès d’elles qu’elles faisaient bien la différence entre le cultuel (l’apport des religieux missionnaires) et le culturel. Mais souvent les deux se mélangent dans un métissage intellectuel pas toujours conscient.

    L’œuvre d’art est donc bien un document historique (comme le dit Hans Belting), qui ne livrera son (ou ses messages) qu’en fonction des questions qu’on lui pose.

     

    Le retournement complet de l’objection de départ aura lieu quand des artistes comme Soane Takaniua, cet autochtone qui regarde son monde, regarderont le nôtre et le décriront à leur tour (y compris nos œuvres d’art). Sapeta Hoatau m’a bien montré que l’art était un processus (un chemin, celui qu’elle m’a fait parcourir dans son jardin) et que les artistes wallisiens n’avaient pas attendu l’Occident pour exister.

    Ce qui est nouveau (les événements de septembre 2005 l’ont manifesté) c’est la conscience historique à W           allis et Futuna, et du coup l’importance de l’art et des artistes dans les processus du changement.

    Oui une Histoire de l’Art wallisien et futunien est bien en train de naître.

     


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  •        

     

    Elle est partie aux aurores ce matin. Oui, Aurore est partie ce matin. Et personne ne l’a vue, personne ne sait quelle direction elle a prise, quel était son but, sa destination…On sait seulement que son prénom ne lui plaisait plus, qu’elle en avait assez d’entendre : Aurore aux doigts de fée, le commencement du jour, tous les espoirs sont permis, cet instant de silence avant l’éveil du jour…Elle qui n’aime pas le rose, elle qui déteste se lever tôt le matin, elle qui aime les musiques tonitruantes, les lumières de la nuit, elle si pessimiste.

    Elle est partie. Et déjà son absence ne fait plus sens, déjà la grisaille de l’oubli suit son invisible parcours, déjà ses parents se tournent vers d’autres aurores plus prometteuses.

    Alors, soulagée, allégée, Aurore a pris ses jambes à son cou, et d’un bond de rockeuse entraînée, a disparu.

     

    La commune industrieuse se réveille. Et venant de la rocade toute proche, les bruits lancinants des véhicules s’amplifient. C’est sympa de franchir un pont, on a toujours un peu l’impression qu’on change de rive, de monde, d’existence. Mais franchir un pont par-dessus la rocade d’une grande ville, ça n’a rien de très poétique !

    Et pourtant ! D’un côté les tours d’habitation, avec leurs cloisons si fines, qu’on partage la vie des voisins : et Dieu sait qu’on s’en passerait souvent, de partager la vie des voisins ! Sauf peut-être si l’un d’eux vous invite à prendre un thé à la menthe et vous projette un bon vieux film en noir et blanc sur les colonisations africaines…Il y en a comme ça, des profs de fac qui décident de vivre au milieu des prolos, à moins qu’ils ne soient prolos eux-mêmes – car chacun sait bien que les hautes études et la recherche ça ne mène à rien, en tout cas à rien de bien payant en espèces sonnantes et trébuchantes…Où en étais-je ? Ah oui les tours d’habitation, le petit supermaché low coast comme on dit aujourd’hui, la pâtisserie où se vendent d’excellentes cornes de gazelle, et où la patronne lève les yeux au ciel quand les clientes sont drapées de noir de la tête au pied…Le centre social, lieu d’espoir et de rêve, lieu d’éternels combats contre l’ignoble et la mise au ban de tant de jeunes existences…les petites résidences qui se sentent si basses, si fragiles à côté des hautes tours, mais où l’on a l’impression  de vivre plus décemment, plus au large, plus libres…

    De ce côté du pont aussi il y a le Tram qui conduit à la grande ville, en passant par les Universités du savoir : une autre espérance pour les jeunes vies, une autre illusion, un essai de partage.

    Et de l’autre côté du pont il y a les magasins, la grande surface, la petite zone d’activités artisanales et industrielles, la jardinerie avec ses espoirs de récolte, de couleurs, de parfums, de légumes frais ; et les petits animaux de compagnie qui attendent un ami, un abri, une famille d’accueil. Au final, les deux côtés du pont ne sont pas si différents que cela ! Car sur les murs des grandes tours il y a à Noël d’innombrables guirlandes de lumières artificielles et de couleurs, qui clignotent la joie et l’espoir sur les murs gris. Et dans les galeries marchandes de la zone d’activités il y a les mêmes guirlandes et les mêmes boules de couleur qui clignotent la joie et l’espoir. Moins grandioses d’ailleurs que les guirlandes des tours, qui montent dix, vingt, trente étages !

     

    Les deux côtés du pont c’est le même univers, et c’est dommage. C’est ce que se disait depuis plusieurs mois Aurore. Et elle avait envie que ça change. Et elle voulait retrouver la magie des ponts comme elle disait. Ces ponts que l’on faisait garder par de vaillants guerriers, des moines, ou parfois même des dragons. Ces ponts de la conquête mais aussi de la sauvegarde, de l’espoir d’une transformation magique si l’on arrivait à les passer…

    Alors Aurore, qui en avait assez de son prénom, oui, elle avait envie que ça change, que tout change. Et ce matin-là elle a pris ses jambes à son cou, a bondi de toute la force de sa jeunesse à la première pile du pont, et elle a disparu.

     

    Pendant ce temps, à l’Université, les étudiants dissertent sur les tags, les glyphes, les fresques murales : fait d’époque ? Expression libre de ceux qui n’ont pas d’autre support, qui n’ont pas les moyens de s’acheter des toiles…Expression contrainte de ceux qui ne savent pas lire ou se dire…Besoin de reconnaissance sociale ou communautaire… ou très ancien et très universellement répandu moyen d’inscrire sa trace, sa vie, sa marque de reconnaissance sur les pierres, les murs, la terre, le solide quoi, l’apparemment immuable ? On le dirait bien, en contemplant les pétroglyphes d’ici ou d’ailleurs, ceux des Celtes, des Calédoniens, des Chinois et autres compagnons de toutes armes et de tous ordres. Liberté de la rue, liberté dans la prison, liberté dans le métro, les tunnels, les murs anti-bruits, anti-tout.

    Bon, d’accord, on a compris. Et curieusement ils ne sont que très rarement abîmés, meurtris, détruits, tous ces graphes, glyphes et autres fresques. Comme si d’être au vu et au su de tous, à l’air libre et en liberté leur donnait un poids de plus, les sauvait de la jalousie des musées, de l’envie des hommes, de la rapacité des marchands. Ils sont l’illusoire et le transitoire qui s’installent, le non-dit et l’anonyme qui se donnent des visages et des styles.

    Aurore, qui a suivi des cours d’Histoire de l’Art, connaît bien tous ces jeux de pinceaux et leurs enjeux. Elle a envié bien des fois ses copains qui ont dressé la longue histoire de la dictature chilienne sur les murs de sa commune, la grande histoire de leur pays d’origine. Elle les a vus dérouler des mètres de dessins, de couleurs, d’animaux, de paysages andins. Elle les a vus oser signer leur œuvre, qui est restée intacte de toute souillure. A plusieurs reprises, elle si défaitiste, si pessimiste, elle a souri en longeant le mur de fresque.

    Alors, quand elle en a eu assez d’être l’Aurore de rose mièvre, elle a décidé de rejoindre ce pays où plusieurs de ses copains sont repartis quand ils l’ont pu, quand ils y ont cru.

    Et cette foi en l’élan de l’art l’a propulsée au-delà du pont, vers les étoiles. Elle a disparu.

     

    Mais Aurore n’a que l’amour pour ses amis, elle n’a de force que celle de ses jambes sportives, elle n’a de moyens que ceux de ses rêves. Alors elle n’a pas pu aller bien loin. Elle s’est retrouvée dans une campagne toute verte, toute humide de ses ruisseaux et de ses étangs, toute armoriée de ses châteaux anciens et de ses églises dentelées. Et en reprenant pied, en se redressant sur ses jambes, après ce bond par delà le pont, voici qu’elle aperçoit le cortège d’une fête de village qui se prépare et qu’elle entend des airs de ritournelle qui ne lui sont pas étrangers : « Diling dondon ce sont les filles de forge », « Aux marches du palais », « Malbrough s’en va t’en guerre »…C’est une fête du terroir et du patrimoine, dieu que les filles sont jolies habillées de rouge et de blanc, et les garçons charmants dans leurs habits du dimanche à longues culottes de velours vert !

    Aurore se mêle à leurs chants et à leurs danses :

    - Eh  la jolie brune, d’où tu sors, toi ? T’es pas d’ici ? Comment tu t’appelles ?

    - Crépuscule

    - Crépuscule ? s’exclament d’une même voix le groupe des jeunes gens qui l’entourent. Quel drôle de nom !

    - Crépuscule, comme le Crépuscule ? Le soir qui tombe et on arrête de travailler, et on rentre à la maison, et on va faire la fête ? Crépuscule comme on peut se cacher, et pleurer, et personne ne va vous voir ? Crépuscule et peut-être qu’on va se coucher avec l’espoir que demain sera meilleur, que tout va changer pendant la nuit ?

    Toutes ces questions, c’est un des danseurs qui les pose, avide du visage et des yeux d’Aurore, déjà amoureux sans doute.

    - Oui, c’est ça, enfin, pas tout à fait, mais quelque chose comme ça, lui répond elle très émue, parce que pour une fois elle a l’impression qu’on la comprend, qu’on ne se moque pas d’elle.

    - Allez, viens, on retourne danser ! Le petit groupe l’entraîne et une main forte et tendre saisit la sienne.

     

    Ils ont beaucoup ri, beaucoup chanté, beaucoup dansé. Jusqu’à…l’aurore ! Et brusquement la brume s’est levée, et tout s’est brouillé. Les voix ont déraillé, les chansons se sont évanouies, les danseurs se sont éclipsés, le froid est tombé, et Aurore a trébuché, ses jambes l’ont trahie et elle s’est cogné la tête contre un mur.

     

    Un jeune homme s’active, s’affaire même, cela fait déjà plusieurs heures. Il peint avec frénésie le portrait de sa belle avant que ses traits de son souvenir ne s’effacent. Il semble épuisé et pour se donner du cœur à l’ouvrage, pour ne pas faiblir et s’endormir  il chante, il chante à tue-tête tous les airs qu’il connaît.

    - Auprès de ma brune, qu’il fait bon fait bon fait bon, auprès de ma brune qu’il fait bon dormir !

    Le portrait de sa belle est enfin terminé, et les hautes herbes qui poussent au pied du mur lui donnent un charme particulier, celui d’un cadre champêtre, et le mouvement de la vie s’harmonise avec la fixité de la fresque.

    - Où est ma belle ? Dans la forêt. Qu’est-ce qu’elle y fait ? Elle s’y exerce. A quel métier ? Je ne le sais…

    Et soudain une  voix bien timide  le tire de sa contemplation.

    - Tu sais, toi, quand elle va revenir, Aurore ? lui demande une petite blonde qui pointe son index vers le visage, avec beaucoup d’émotion dans le regard.

     

    Sous les yeux ébahis de l’enfant, le jeune homme range avec précipitation ses affaires de peinture, les place dans un petit baluchon, et, après une caresse à cette jolie petite fille blonde qui lui rappelle quelqu’un,  prend ses jambes à son cou, et se hâte de disparaître dans les hautes  herbes. Et la petite fille entend les dernières paroles d’une chanson qui s’éloigne :

     - Elle reviendra à Pâques, ou à la Trinité, ou à la Trinité !

       

     

     

     

                                                      Fin


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  •  Ombres chinoises à Mantes la Jolie

     

    A tous les bleus : bleu,  bleu clair, bleu lagon, bleu turquoise, plus proche du vert que du bleu ; bleu profond du Pacifique ; bleu pour les garçons (et rose pour les filles) ; bleu du ciel et bleus du corps en chute, bleus de l’âme, bleu dans la vie et Mamy Blue…

     

    Des histoires bleues ? J’en ai en pagaille. Les époques se bousculent, les souvenirs se mêlent, et le blues de la  nostalgie s’égrène sur le mur de la jeunesse. Le mur de la jeunesse et de la nostalgie j’en connais un à Mantes la Jolie. Tout près de l’église il y avait un garage, un entrepôt, un simple mur blanc ? Je ne sais plus…mais je sais qu’un soir d’hiver…

    Une de mes meilleurs amies je l’ai connue au lycée, le lycée Sophie Germain à Paris (du nom d’une grande mathématicienne), dans les années soixante. Une autre amie n’écoutait que Cloclo, elle était folle de lui. Nous avions des jupes plissées et des blouses, une semaine rose une semaine beige avec le nom et la classe brodés en rouge ; nous jouions aux quatre coins et à la délo, à la balle au mur et à la grosse corde à sauter, où l’on entrait à deux. Et de douze à dix huit ans nous étions là, évoluant des petites sixièmes aux grandes terminales ; que des filles ! Et il y eut mai 68 au milieu, et nous avons connu les commissions de réforme des programmes où profs et élèves œuvraient ensemble, labeur acharné, à écrire un nouveau chapitre de l’Histoire.

    Oui une de mes meilleurs amies au prénom des bois, Sylvie, ou plutôt ses parents, avaient une maison à Mantes la Jolie, héritage familial, et moi qui vivais dans un deux pièces, elle m’invita à passer quelques jours dans sa maison. Je ne sais même plus comment on y allait à l’époque. Mais il faisait froid ces jours-là et sombre très tôt. Nous aimions beaucoup bouger, sauter, danser et rire. Alors nous allâmes avec nos gants et nos bonnets jouer près de l’église en attendant le repas du soir. Les réverbères étaient parfaits et nous avons passé un long moment à improviser sur ce mur blanc toutes ces sortes de silhouettes qu’inspirent à de jeunes lycéennes la proximité d’une bâtisse religieuse. Sans spectateur pour nous applaudir, nous fûmes je crois géniales, et ces ombres chinoises sur le mur de Mantes la Jolie sont restées pour toujours associées à Sylvie. Il y eut notamment la Reine des Serpents, sortie des Mille et Une Nuits avec l’un de ses nombreux amants : un seul baiser de la reine et la peau de l’amant prenait une teinte bleue qui le trahissait…

    Quand nous fûmes bien réchauffées par le repas familial, et par un thé brûlant et épicé pour nous remettre de nos exploits extrêmes orientaux, nous écoutâmes, parents et filles, un épisode des Maîtres du mystère à la radio, cette série qui m’a donné tant de frissons quand je l’écoutais dans le noir avec ma mère au fond du lit les nuits d’hiver.

    Des ombres chinoises aux assassins de l’ombre, que de frissons délicieux et intenses pour des imaginations vierges : toute petite, vers sept huit ans, le jour d’une interminable grève de courant, la petite fille a dû lire à la bougie son mini livre qu’elle a découpé dans Spirou , celui qui lui a fait découvrir les Schtroumpfs ! Le Schtroumpf noir qui crée une peur bleue dans le village, et qui a tant faire rire la petite fille. Il vaut mieux car la voix du conteur des Maîtres du mystère qu’elle écoute ensuite avec sa maman la glace jusqu’au sang ; et pour s’endormir il va lui en falloir compter des moutons ou des Schtroumpfs bleus ! Ainsi s’enracinent en elle le bleu et la peur liés au pouvoir du faiseur d’histoires, la voix profonde et chaude de la sirène remontée des eaux du lac Titicaca qui racontait son histoire sur les ondes de France inter, de l’enseignante qui aime  tant à raconter le récit des Mille et Une Nuits, Ulysse enchanté par Calypso, la disparition de Blondine dès qu’elle s’engage dans la forêt des lilas, ou l’engloutissement de la ville d’Is dans la baie de Douarnenez, en cette Bretagne aux mille légendes.

    De Mantes la Jolie à la Bretagne une même nostalgie court et s’épanouit en fleurs du souvenirs. Des collégiens bretons disparus lors d’un voyage à Paris…le temps fait son travail et les chaises bleues du parc de saint Korrentin  jaillissent de la mémoire et du mur où elles étaient encastrées, cachées au regard, trésor inespéré.

     

    Dix ans après l’apparition des ombres sur le mur de Mantes la Jolie un groupe de collégiens, tous latinistes, partent en voyage d’agrément culturel pour découvrir Paris et surtout les vestiges romains de la capitale. Ils sont accompagnés de leur professeur de latin, qui ne redoute rien en emmenant onze jeunes adolescents,  huit filles et trois garçons, au mieux de leur forme physique, sentimentale et intellectuelle. Peut-être que si elle avait su…Mais voilà ! la réussite de ce voyage fut exemplaire : tous aimèrent Paris ; ils visitèrent l’Assemblée Nationale, Notre Dame, les arènes de Lutèce, le Jardin des Plantes, les Buttes Chaumont, le Musée du Louvre, ils arpentèrent les Champs Elysées, la Place des Vosges ;  ils assistèrent à une représentation de La Cantatrice chauve. Et c’est là que ça commença à se corser. Ils étaient tellement écroulés de rire qu’ils entraînèrent les spectateurs puis les acteurs dans leurs fous rires et au bout de quelques minutes évidemment le spectacle était autant dans la salle ; bref, ils firent leur première éducation de l’absurde cette matinée-là, ce qui leur donna des idées : pourquoi rester dans le monde de la raison quand c’est si simple de tout faire dérailler ? D’ailleurs ils s’étaient rendus à l’Assemblée Nationale, car un membre du groupe avait son père député en ce temps là ; et ils avaient été surpris de longer les couloirs de cette bâtisse vide (l’assemblée ne siégeait pas à ce moment là) ; et ils avaient joué à cache-cache en silence et sans qu’on les voie ; et l’un des garçons s’était perdu et il avait fallu ruser, inventer une abracadabrante histoire pour convaincre les huissiers qu’il ne l’avait pas fait exprès ; il était si facile de se perdre dans les rouages de l’Etat ! Et ça leur avait donné des idées sur la manière dont les conspirations se nouaient (comme autrefois dans les dédales des châteaux forts se croisaient mages et empoisonneurs sans se rencontrer, car ils empruntaient moult escaliers secrets).

    Donc il leur vint une idée : deux d’entre eux allaient disparaître aux yeux du monde lors de la photo finale du groupe dans les jardins du Luxembourg : on trouverait bien un truc photographique ; et réapparaître lors de la photo de la gare de Quimper, quand les parents viendraient récupérer leur progéniture enchantée de son voyage. Bon, mais voilà, ça ne se passa évidemment pas comme prévu : quand on développa la photo du groupe, ils avaient effectivement disparu de la pellicule. Personne ne s’en inquiéta, on se dit qu’on n’aurait même pas à truquer la photo, puisqu’elle l’était déjà ; on n’aurait qu’à la reproduire et à la distribuer pour garantir le talent de magicien acquis à Paris.

    Oui mais quand le groupe arriva en gare de Quimper, c’était le branle-bas de combat dans le train, sur le quai, dans la ville, à Paris, car les deux qui manquaient sur la photo avaient réellement disparu, alors qu’ils se rendaient à la voiture buvette : il y avait la fille du député, et le garçon qui les avait tellement fait rire en répétant sans cesse, à chaque découverte, « il est chouette mon 33 tours » c’était sa blague préférée. Il faut dire qu’il avait acheté chez les bouquinistes à tout petit prix  (il en était très fier) un « Old Stack o’Lee Blues » qu’il fredonnait de sa jeune voix en pleine mue, pour le plus grand bonheur des oreilles !  Eh bien il n’était plus du tout chouette le trente trois tours.

    Malgré des recherches acharnées, on ne les avait pas retrouvés. Mais le professeur  eut alors une idée : et si on la faisait, cette photo de groupe ? On la fit donc, mais les visages étaient en larmes, et c’est à contrecœur qu’on posa pour l’éternité. On alla développer sur le champ la pellicule et o miracle, les deux disparus se trouvaient sur le film!  Oui, mais pas dans la réalité ! On fit appel aux médecins, aux psychiatres, à la police, aux renseignements généraux, aux sectes, à l’église, aux voyants et astrologues de tous poils, mais personne n’avait d’explication, et le temps passait, on était arrivés à la fin de l’année scolaire, qui était la fin du collège pour tous, et l’on allait se séparer pour de nouveaux horizons scolaires. Alors, comme ils l’avaient décidé le dernier soir à Paris, mais dans une toute autre disposition d’esprit, les adolescents et leur professeur se firent la promesse solennelle de se retrouver dix ans plus tard, à Quimper, quels que soient les aléas de l’existence, pour partager leur devenir.

    C’est ainsi qu’ils se retrouvèrent le 2 juin 1986, dans le parc de Saint Korrentin, tous assis sur de jolies chaises bleues, près du bassin à poissons. Et ils avaient soigneusement placé auprès d’eux deux  chaises vides pour le cas où…on ne sait jamais… leurs amis disparus auraient été retrouvés et auraient eu connaissance du rendez-vous. Mais point de P ni de B, hélas ! On papota, on échangea, on raconta, on alla boire au café proche, on déjeuna ensemble, mais le cœur n’y était pas. On revint quand même une dernière fois dans le parc et on prit des photos, se disant bien que c’étaient les dernières, et qu’on ne se reverrait plus.

    Et alors, stupéfaction au développement : les deux chaises bleues vides n’étaient plus là : ils discutèrent, se disputèrent même : on avait dû les déplacer pendant leur absence, on avait oublié de les replacer - c’est fou ce qu’on oublie vite ses amis et blablabla- Bon, ils se précipitèrent dans le jardin pour repérer l’arrangement des chaises ; et mince alors, qu’il était chouette mon trente trois tours ! P et B étaient là, comme il y a dix ans, quand on avait pris la photo dans le jardin du Luxembourg. Et ils leur faisaient de grands signes amicaux. -Bon vous êtes en retard au rendez-vous ! Cela fait des heures qu’on vous attend.

    Ils n’avaient pas changé, seule leur peau gardait un peu de cette teinte bleue que l’on prend quand on a eu peur, quand on a été malade, ou qu’on a traversé trop vite les rives inaccessibles de l’océan des rêves, bleue comme les chaises bleues du parc de Saint Korrentin.

     

    Ce qui avait attiré la parisienne (à moitié bretonne par sa mère) en cette région du Finistère Sud ? Sans doute les grands espaces, le vent, le granite, la mer surtout, et la force des mythes. Ecarquillant les yeux sur la dune, au ras de la  Baie des Trépassés, d’où partaient les âmes des druides vers les îles bienheureuses, elle fixe par temps clair la minuscule île de Sein. Et songe à la monstrueuse tempête qui a englouti Dahud et la ville d’Is. Et elle repense à la tempête bien réelle celle-là qu’elle a vécue dix ans plus tard sur le lac Titicaca, où elle désirait tant retrouver la trace de l’énigmatique sirène remontée des eaux, qu’elle avait rencontrée sur les ondes.

    Il lui reste une photo médiocre prise sur le lac Titicaca : on n’y voit que les eaux un peu agitées (déjà !) du lac et un minuscule voilier à voile  bleue. Rien à voir avec ce qu’elle y a vécu avec sa famille et ses amis.

    Et pourtant Titicaca (avec son nom si peu mélodieux) ils en rêvaient tous, à leur manière. De toute façon la profondeur de ses eaux et son caractère sacré pour tant d’Indiens étaient à eux seuls une invite. Et puis lui revenait sans cesse en mémoire la série qui passait sur les ondes de France Inter dans les années soixante dix, et qu’elle n’avait jamais retrouvée, même en écrivant à Radio France ou en envoyant ses parents sur place se renseigner. « Sous quelle étoile suis-je née » racontait l’histoire d’une femme qui serait née des eaux du Titicaca, ou  en serait remontée  après une chute de son astronef. Une extra-terrestre donc plus que bi ou tri centenaire qui aurait participé à l’histoire du monde sous plusieurs régimes, comme Cagliostro ; une femme pleine de sagesse et de mystère, de sensualité aussi, et dont le chat possédait ce nom impossible et envoûtant à la fois : Personne.

    Alors vous imaginez bien que le lac Titicaca était bien plus encore que le lac sacré des Indiens ; il pouvait être le lieu d’une rencontre fabuleuse entre les mondes. Et qui sait ? Peut-être allaient-ils voir remonter à sa surface une nouvelle sirène plus vieille que le temps !

    Ils embarquèrent par une belle matinée ensoleillée direction les îles flottantes puis Taquile où ils devaient  prendre leur repas. La première partie du voyage se passa très bien et ils furent étonnés par ce mode de vie : dans l’humidité totale, avec un sol de roseaux à reconstruire en permanence, une odeur pas toujours de rose, mais des gens accueillants et colorés et ils firent de bien belles photos de leurs embarcations à proues d’animaux.

    Le trajet fut un peu long jusqu’à Taquile, mais ils profitaient de la traversée de Titicaca pour songer aux empires détruits et à l’éternité de la nature.

    La montée vers le village fut sportive et le repas sympathique. Mais leur guide les pressait,  disant qu’il fallait vite redescendre et reprendre le bateau avant que le vent se lève sur le lac. Tout au bien-être du repas, et à leurs envies touristiques, ils ne voyaient pas pourquoi à peine arrivés il leur fallait repartir alors qu’il faisait si beau !

    Ils ont vite compris ! Car le temps changea si brusquement, que leur capitaine s’inquiéta ; il était pendu à sa radio, demandant des conseils, annonçant qu’il allait changer de route pour éviter la tempête et qu’un car viendrait les chercher pour les ramener à l’hôtel de Puno.

    Il avait peur de ne pas avoir assez de carburant. Déjà l’eau rentrait un peu dans le bateau par une fenêtre qui ne fermait pas, et ils s’apercevaient que ce bateau était plus qu’approximatif, tant dans son entretien que dans ses mesures de sécurité.

    Mais quand il voulut changer de cap, les vagues commencèrent à se mettre en travers, et il fallut renoncer, et revenir à l’itinéraire de départ. Et impossible de jeter l’ancre au beau milieu d’un lac si profond ! Transis par le vent et l’eau, transis par leur peur aussi, les membres de la petite troupe se mirent à chanter n’importe quoi : toutes les vieilles chansons de l’enfance, tous les tubes plus ou moins connus par cœur y passèrent. Ca rassurait même le capitaine. Le petit Grégoire fut malade, et ils étaient tous assez chavirés.

    Après cinq heures de navigation houleuse ils rentrèrent tout de même au port. Et allèrent se consoler dans les rues de Puno, puis au restaurant, où un groupe de musiciens leur fit oublier tant bien que mal leur aventure, avec dédicaces de CD…

    De sirène enchanteresse, point ; de trésor englouti, aucune trace ; de nobles indiens dignes et majestueux, aucun si ce n’est le capitaine aussi effrayé et inquiet que ses passagers et ses correspondants radiophoniques à la voix métallique !

    Pas de miroitement poétique de la surface des eaux qui aurait permis, grâce à la méditation, de se relier aux mystères du temps et de l’espace ; et par un temps pareil, comment la fidèle auditrice de « sous quelle étoile suis-je née » aurait-elle pu apercevoir le chat Personne, dialoguant dans le silence de ses yeux d’or avec sa maîtresse ? Peut être sur cette petite barque et sa voile bleue… mais elle ne se rappelle même plus qui prit la photo. Au fait, qui ?

     

    PS : aux dernières nouvelles, lui a rapporté la responsable Mémoire à Radio France, elle ne retrouvera jamais les cassettes de l’émission : ces cassettes n’existent pas…c’était du temps d’avant la création de l’INA, on n’archivait pas tout, et il n’y avait pas toujours un mouchard…

     

    De la peur du mystère à la radio à la peur bleue de la mort par noyade, deux générations sont passées, la reine des serpents a imprimé à jamais quelques uns de ses bleus sur la peau, sous les yeux de ses amants… La lycéenne a connu l’incomparable lumière des Tropiques.

    Que reste-t-il des ombres de Mantes la Jolie, des collégiens enfuis et de la tempête sur le Lac Titicaca ? Juste un petit air de jazz sur un souffle d’alizé pour traverser le bleu turquoise d’un lagon, passer la barrière de corail et plonger dans le grand bleu…Dans le film « Seul au monde » avec Tom Hanks, l’obstacle majeur qui prive le héros de liberté, c’est la barrière de corail qu’il ne réussit pas à franchir pour retourner vers la civilisation. Pour les jeunes des îles perdues du Pacifique sud, la barrière de corail ce sont la coutume locale et l’argent, le prix du billet d’avion qui leur permettrait d’aller travailler ailleurs. Amateurs de coca cola, et de jazz américain, ils cultivent leur blues derrière leurs grands sourires et quand ils se regardent dans la glace, ils voient derrière eux, dans l’ombre bleue de la mer éblouie de soleil, le mirage occidental. Ils aiment beaucoup chanter, ces enfants des îles, ils sont très doués, et a cappella entonnent des chansons à plusieurs voix. Elles ont la chaleur des Tropiques, la profondeur de l’océan, la joie de la jeunesse, et la nostalgie bleue des désirs infinis…Elles ont comblé la petite fille qui lisait au fond de son lit, par une nuit sans lune et sans électricité des histoires farfelues, des histoires bleues.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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